M.KETSCHKER professeur au lycée Youghourta à Constantine
Il s'appelait M. KETSCHKER (son prénom? mais vous n'y pensez-pas). C'était un alsacien qui vivait avec son épouse à Constantine et qui a été mon professeur de physique chimie durant mes deux premières années de lycée de 1982 à 1984.
Aaahhh M. Ketschker
Maigre comme un clou, des moustaches bien soignées, cheveux courts mais abondants, neuf mois sur douze en jean, mais souriant douze mois par an...
Et il devait l’aimer Constantine pour y rester ainsi au milieu de rares autres français, 20 ans après l’indépendance. Mouais, sûrement pas pour les beaux yeux de son salaire de prof de lycée…
Un sens du détail que d’aucuns diraient obsessionnel, un dévouement certain et au final, un pédagogue de génie. Comment je prétendrais le savoir ? Très simple, alors que son physique à la Renaud aurait du lui donner un charisme de flanc aux pruneaux, le silence durant ses cours et ses séances de travaux pratiques était quasi-religieux… Oui nous l’aimions beaucoup et fait rarissime : tous sans exception à un âge pourtant ou les adultes hein… Qui plus est profs...
Je me souviens de ses charmantes petites manies aussi, il avait en effet tendance à dire très précisément ce qu’il allait faire étape par étape dans la minute qui allait suivre. Rien de grave jusque là vous me direz ? Oui sauf que parfois ça donnait ça :
Alors, je vais prendre cette coupelle dans ma main gauche – Et il prenait la coupelle dans sa main gauche
Ensuite je vais mettre cette feuille de papier sur la table – Et il mettait la feuille de papier sur la table
Je vais maintenant mettre un peu de limaille de fer sur la feuille de papier – Et il ceci cela
Après quoi, je vais étaler un peu la limaille de fer avec les doigts – Et devinez quoi ? … Il tenait parole :-)
Le hic, c’est que cette manie de tout énoncer clairement avant coup, revenait aussi à annoncer le résultat prévisible d’une expérience avant de la faire. Du coup, quand le résultat escompté n’était pas au rendez-vous, il fallait voir la tête qu'il faisait, nous ignorant superbement et regardant pendant de longues secondes avec scepticisme ce qu'il avait sous les yeux, se demandant sûrement quelle étape vi-ta-li-ssime contenant tout l’essentiel de ses indispensabletés, il avait du fatalement zapper.
Et est-ce qu’on en profitait pour faire des gnagna-gni, ou échanger des rires moqueurs derrière son dos ? Que nenni, on pardonnait tout à M.Ketschker. Et ce d’autant plus facilement, que le TP d’après, l’expérience marchait derechef comme il le … prophétisait à la virgule près.
Pourquoi M.KETSCHKER ?
Je ne me souviens pas je promets que c’est sérieux, l’avoir vu un jour s’emporter contre l’un d’entre nous. Jamais vu ça ni avant ni après lui.
Et puis quel humour, parfois il nous tordait de rire en prononçant les mots arabes qu’il connaissait, des courgettes, puis il attendait un peu ménageant son effet… Des djriouat quoi.
Ça ne lui est arrivé qu’une fois (avec le recul il avait du boire la veille je ne vois que ça) mais un jour il nous a appris qu’il ne fallait pas confondre ‘amputer une jambe et enjamber une …’ :-)) on en était sur le fondement. Pas facile d’oublier une citation pareille…
A cette exception près, personne ne lui arrivait à la cheville dès qu'il s'agissait de finesse, de bonté et de l'art de la parole amène. Un jour dans le bulletin que j’ai gardé (voir plus bas), il a écrit : ‘Très bon trimestre a confirmé sa grande valeur’ et comme son avis pour moi mais aussi pour les membres de ma famille était extrêmement important, cette phrase m’a valu d’être sur des nuages hors du temps et de l'espace, à me prendre pour ce que je ne suis pas pendant des mois :-)
Cher M.KETSCHKER,
J’ignore pourquoi vous avez fini par partir, j’ose simplement espérer que vous allez bien et que vos souvenirs de cette période ne sont pas trop mauvais, car moi je ne vous oublierai jamais.
Merci Monsieur
Le fameux bulletin de notes, de la deuxième année.
A y voir de près, on devine la professeur de Français Melle Mili se tromper dans l'accent de 'Très', puis être suivie en cela par M. Bourdine le professeur d'Anglais (toutes deux personnes charmantes par ailleurs), arrive M. KETSCHKER qui ne peut décemment pas corriger d'une manière trop voyante, mais qui ne peut pas non plus commettre une faute intentionnelle et qui décide alors de couper la poire en deux, en faisant un accent horizontal ... Malin!
Arrive enfin le professeur de Sciences Nat qui a repéré le manège mais qui n'en sait pas plus que ça, alors tout aussi malin il écrit Très en abréviation T. et hop!
Merci Messieurs Dames, aucun accent de travers ne changera quoi que ce soit à ce que je vous dois.